VIE DE BUREAU - "Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. Ils savent parfois déjà ce que vous voulez devenir. Le reste est secondaire", disait Steve Jobs. Tous les jours nous avons à prendre des décisions: de la plus légère - "Quelle tenue vais-je choisir ce matin?" - à la plus engageante - "Dois-je continuer à travailler dans ce poste ou envisager autre chose?" - L'une comme l'autre des décisions n'est pas si simple à prendre: les conséquences sont différentes bien sûr, mais le choix ne se fait pas si naturellement. C'est que le processus de décision met en œuvre des mécanismes complexes qui activent autant notre logique, bien sûr, mais aussi - et peut-être même plus - nos émotions et notre intuition.
Les découvertes récentes des neurosciences viennent démontrer ce que tout un chacun a vécu au moins une fois dans sa vie. Vous l'avez peut-être vécu pour le choix d'un candidat, d'une entreprise, d'un appartement, d'un fournisseur ou pour résoudre un problème. "J'aurais du m'écouter au lieu de prendre cette option"...
Comment fonctionne notre cerveau quand il doit prendre une décision?
Il procède en 3 étapes*:
- l'élaboration des options préférentielles: assez vite, le cerveau va chercher dans sa mémoire des expériences approchantes, des informations stockées en lien avec l'objet de la décision, et détermine des options. "Couleur claire? Foncée? Chaude? Plus légère? Tenue habillée? Plus stricte?" le choix: le cerveau prend une option "Tenue habillée plutôt légère et claire"l'expérience du résultat: le cerveau projette alors les résultats de son choix, sur soi "Est-ce que cela va me plaire? Correspondre à mon humeur? A la réunion à laquelle je dois participer?" ou sur les autres "Que vont penser les autres de ma tenue?" Le cerveau peut alors examiner d'autres options de la même manière et ajuste en fonction des réponses.
Nous ne faisons pas un tableau à double entrée à chaque fois que nous devons prendre une décision: imaginez faire cela quand nous devons choisir notre dessert au restaurant... cela nous prendrait trop de temps. Notre cerveau va bien plus vite et active des capacités essentielles pour des prises de décision efficaces.
Capacité n°1: faire confiance à son intuition
Notre cerveau a de grandes capacités à se projeter dans l'avenir. Il se sert pour cela de ses expériences passées - Ont-elles été réussies ou pas? Ont-elles tenu leurs promesses?- Il est aussi en capacité de savoir très vite quelle décision nous devons prendre. L'intuition nous envoie alors un message qui ressemble souvent à une évidence. Il prend des raccourcis sans passer par notre logique. Gary Klein dans son livre Intuition at work prend l'exemple d'une sage-femme qui a su intervenir à temps grâce à l'observation attentive d'un nourrisson qui se trouvait en risque mortel, alors qu'aucun signe clinique ne pouvait le prédire.
Pour faire plus confiance à son intuition, nous devons la réveiller, l'entrainer, la solliciter souvent, et lorsque nous nous trouvons en situation de décider, augmenter notre niveau d'attention, un peu comme lorsque nous nous savons en situation de danger.
Capacité n°2: tenir compte de ses émotions
Des observations** menées sur des patients présentant des lésions au niveau du lobe frontal touchant les centres émotionnels ont démontré qu'ils n'étaient plus en capacité de prendre de décisions. Vouloir décider avec la seule rationalité et sans tenir compte de nos émotions serait une absurdité.
Etre conscient de nos émotions représente un réel atout pour améliorer nos prises de décision. Par exemple, lorsque nous sommes heureux, nous avons tendance à plus avoir confiance en nous. Dans ce cas, être plus attentif à notre état émotionnel nous est alors bien utile pour éviter de prendre trop de risques.
Suivez votre cœur: il vous parle un langage que vous connaissez. Si la décision va dans un sens qui choque votre système de valeurs, changez de direction; sinon, vous le regretteriez.
Capacité n°3: bien s'entourer pour bien décider
Un certain nombre de pièges peuvent se présenter quand nous prenons nos décisions.
Le biais de confirmation : nous recherchons tout ce qui va dans le sens de ce que nous avons déjà décidé. Pour éviter de tomber dans ce piège, il est essentiel de multiplier les sources d'information avant de décider.
Une confiance mal dosée: des recherches récentes ont montré que nous nous faisons trop confiance une fois que nous avons pris une première option. Ne pas hésiter à remettre en cause ses choix en en parlant à des proches/collègues: changer d'avis n'est pas réservé qu'aux girouettes, vous en avez aussi le droit.
L'élan vital débordant: savez-vous que statistiquement, lors d'un tir au but, un gardien choisit de plonger à droite ou à gauche alors que les joueurs tirent au milieu dans un tiers des cas? Parfois, décider de ne rien faire est une bonne option.
Capacité n°4: se décider à décider
Peut-être s'agit-il de la capacité déterminante pour bien décider. Se décider à faire le pas, c'est réduire la crainte de se tromper au profit de la satisfaction d'avoir pris une décision. Comme pour toute capacité, c'est en faisant qu'on progresse: décider souvent c'est progresser dans notre capacité à décider.
___________________________________
*Roullet Bernard et Droulers Olivier, "Décision managériale et neurosciences: une nouvelle vision de lagouvernance?", Management & Avenir, 2014/3 N° 69, p. 13-31. DOI : 10.3917/mav.069.0013 qui citent Ernst et Paulus (2005)
**Antonio Damasio directeur de l'Institut pour l'étude neurologique de l'émotion et de la créativité (University of Southern California)