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Les organisations devraient considérer le sentiment de solitude comme un problème lié à l’entreprise, et non à l’individu. En plus de présenter une multitude de risques pour la santé, la solitude diminue la performance au travail et la créativité. Elle réduit également la capacité des salariés à prendre des (bonnes) décisions. Les entreprises dont les salariés se sentent seuls ne peuvent pas se permettre d’ignorer le problème. Surtout lorsque ce phénomène est dû en grande partie à la façon dont les équipes sont conçues.

Dans le cadre de nos activités de formation et de conseil auprès des cadres, nous avons eu l’occasion de mener deux études sur le lien entre l’isolement social et la constitution des équipes. Nous avons mené notre première enquête, à laquelle ont participé 223 cadres et dirigeants du monde entier, en décembre 2019 et janvier 2020 – soit bien avant que la pandémie ne déclenche le passage forcé au télétravail. Les résultats ont été très surprenants. Même si ces cadres faisaient en moyenne partie de trois équipes différentes à la fois, 76 % d’entre eux ont déclaré qu’ils avaient du mal à établir un lien avec leurs collègues. Plus de la moitié estimaient que leurs relations au travail étaient superficielles.

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En avril 2020, nous avons interrogé un autre groupe de 275 cadres du monde entier. Près des trois quarts d’entre eux appartenaient à au moins deux équipes. Un cinquième d’entre eux appartenait à cinq équipes ou plus. La plupart d’entre eux étaient passés au télétravail, et chez eux, les sentiments de solitude et d’isolement étaient fréquents. Mais les résultats de notre première enquête ont mis en évidence une chose : il ne fallait pas compter sur la simple reprise du travail en présentiel pour résoudre le problème. La pandémie n’a fait que mettre en lumière des problèmes liés à des environnements de travail qui ont radicalement changé au cours des trente dernières années.

Quatre caractéristiques propres aux équipes d’aujourd’hui

Avec la mondialisation, les équipes sont déployées dans le monde entier, poursuivant leurs projets grâce à un mélange de communications synchrones et asynchrones. Pour mieux répondre aux besoins des entreprises qui fonctionnent 24 heures sur 24, les équipes ont évolué et sont devenues plus flexibles que jamais. Quatre caractéristiques interdépendantes les unes des autres sont clairement apparues :

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Des équipes à la composition variable

Pour limiter les frais et gagner en flexibilité, la composition des équipes est de plus en plus variable (c’est aussi une caractéristique des approches agiles). Au fil de l’avancée d’un projet et de ses différentes phases, la taille et la composition de l’équipe sont ajustées pour mieux répondre aux besoins immédiats du projet. En outre, il n’est pas toujours évident pour les membres de l’équipe de savoir qui fait en partie à un moment précis, car les collaborateurs passent d’un projet à l’autre.

Une composition modulaire

Les collaborateurs sont recrutés pour cocher certaines cases. Par exemple, Pierre rejoint une équipe parce qu’il « maîtrise le nouveau système de facturation » et Paul parce que l’équipe a besoin de « quelqu’un des achats ». Chacun n’est qu’une petite pièce du puzzle et n’est pas intégré à l’équipe pour l’ensemble de ses compétences, mais souvent pour une compétence spécifique. Pour compliquer encore les choses, des personnes travaillant dans des fuseaux horaires différents se partagent parfois la même activité, à tour de rôle, pour des tâches nécessitant le même ensemble restreint de compétences.

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Une attention morcelée

Les équipes sont également de plus en plus souvent composées de membres qui occupent une même fonction dans plusieurs équipes en parallèle. Ces collaborateurs doivent alors jongler en permanence avec un grand nombre de demandes concurrentes et répartir leur temps et leur attention sur un grand nombre de projets.

Des projets de courte durée

Autrefois, on travaillait avec les mêmes personnes pendant de longues périodes (des mois, voire des années). Aujourd’hui, les équipes peuvent se former et se dissoudre en quelques mois, en quelques semaines même parfois. C’est particulièrement vrai pour les équipes agiles, mais pas seulement : les projets de développement commercial ou de stratégie de marché par exemple, ont eux aussi une durée réduite.

Quel est l’impact de ces caractéristiques ?

Combinées les unes aux autres, ces quatre caractéristiques propres aux équipes d’aujourd’hui ont pour but d’aider les organisations à être plus rapides, plus flexibles et plus efficaces. Les collaborateurs y trouvent également leur compte : une participation fluctuante à plusieurs équipes peut leur donner une plus grande autonomie et une meilleure visibilité, contribuant ainsi à leur évolution professionnelle et à leur épanouissement.

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Cependant, tout cela a un coût. Ces nouvelles formes d’équipes ont également tendance à favoriser des relations éphémères et superficielles entre les individus. Il est impossible d’établir de véritables liens en si peu de temps. Lorsqu’on se sent interchangeable, qu’on ne sait même pas exactement qui fait partie de son équipe ou qu’on ne participe qu’à des projets de courte durée, établir et entretenir une relation avec l’autre devient un exercice très difficile. Pour ne rien arranger, non seulement les collaborateurs se sentent seuls, mais ils pensent qu’ils sont les seuls à souffrir de solitude.

Que peuvent faire les entreprises ?

Bien que toutes les équipes ne présentent pas les caractéristiques décrites ci-dessus et que le sentiment de solitude ne touche pas tous les membres d’une équipe, nos recherches montrent que ce phénomène est fréquent et en constante augmentation. Qui plus est, de nombreux managers considèrent malheureusement que le problème est celui du collaborateur, alors qu’il s’agit en réalité d’un problème structurel, qui nécessite une solution structurelle elle aussi. Nous incitons donc les managers à s’attaquer aux facteurs structurels de l’isolement social en adoptant les tactiques suivantes :

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Mettre en place un indice et en assurer le suivi

Nous connaissons tous l’adage « On ne gère bien que ce que l’on mesure. » Certains outils d’enquête simples peuvent être utiles. Par exemple, il existe des échelles d’autoévaluation qui peuvent aider une organisation à établir un indice de référence et à suivre l’évolution du sentiment de solitude parmi son personnel. Bien entendu, nous recommandons également aux managers de parler à leurs collaborateurs et de se fier à leur « sixième sens » concernant le bien-être de leurs équipes. Et d’autant plus dans le contexte actuel de télétravail.

Créer des équipes de référence

Nous constatons qu’il est utile d’avoir un « camp de base » attitré. Celui-ci peut être fondé sur la localisation des personnes ou sur des affinités et des intérêts communs. L’idée est d’intégrer les membres de l’équipe dans une authentique communauté à la composition stable, ce qui permet aux relations de s’épanouir. Les processus de travail doivent permettre aux collaborateurs de consacrer environ la moitié de leur temps à cette équipe de référence, avec la garantie que leurs perspectives iront au-delà de quelques semaines.

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Impliquer les chefs d’équipe dans la gestion du problème

Même si un système de suivi et des équipes de référence sont en place, les managers doivent endosser une part de responsabilité supplémentaire en ce qui concerne le bien-être de leurs collaborateurs. Une partie de leur rémunération devrait être fonction du soin qu’ils mettent à susciter des relations satisfaisantes entre les membres du personnel. Les bilans doivent être réguliers et faire partie intégrante de la culture de l’entreprise, et non plus constituer des événements ponctuels.

Le tissu social au travail s’est dégradé au cours des dernières décennies. Il appartient désormais aux entreprises et à leurs dirigeants de lutter contre les effets néfastes de cette forme moderne des équipes sur le bien-être émotionnel des collaborateurs, sans aller pour autant jusqu’à jeter le bébé avec l’eau du bain.

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