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Dans un futur proche, le travail collaboratif et décloisonné sera à son apogée : chaque collaborateur sera sollicité, parfois trop, allant jusqu’à l’émergence de cas de surcharge collaborative. La capacité des professionnels des ressources humaines à optimiser, mesurer et développer les relations interpersonnelles devient dès lors déterminante. Pour autant, l’affinité professionnelle entre deux collaborateurs est encore trop souvent abordée comme une simple question de ressemblances : les profils similaires s’entendraient plus facilement et travailleraient mieux ensemble. La réalité semble toutefois (un peu) différente.

Selon Donn Byrne et William Griffitt, chercheurs au sein des universités de Purdue et de l’Etat du Kansas, l’affinité (ou attraction) interpersonnelle correspond à une évaluation affective faite par un individu, à l’égard d’un second : elle représente un sentiment positif ou négatif envers une autre personne. Longtemps considérée comme un indicateur unique d’appréciation générale, l’affinité apparaît cependant multi-dimensionnelle. Charles Kiesler et Gordon Goldberg, professeurs au sein des universités de Stanford et de Yale, font ainsi la distinction entre une attraction socio-émotionnelle et une attraction orientée sur les tâches. La première, aussi appelée attraction sociale, se mesure à travers un jugement de désirabilité de l’autre : elle s’apprécie par le fait que deux personnes aient naturellement envie (ou non) de passer du temps ensemble, de discuter et d’être amies. L’attraction orientée sur les tâches se définit, elle, par des facteurs de respect ou de recherche d’accomplissement : il s’agit de la capacité perçue d’un individu à collaborer ou à nous apporter de l’aide dans l’atteinte d’un objectif précis.

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En entreprise, avoir de fortes affinités avec ses collègues ou son manager présente de nombreux avantages. D’une part, en termes de qualité de vie au travail, les études démontrent que deux personnes ayant une forte affinité tendent à avoir plus d’interactions verbales, à être plus satisfaites de leur relation et à mieux coopérer. D’autre part, une forte affinité permettrait à chacun d’être plus performants et d’apprendre plus facilement. Dans le cas particulier des relations entre manager et collaborateur, une forte affinité amènerait le collaborateur à être plus satisfait de son travail, plus engagé et également plus performant.

Similarité ou complémentarité ?

Bien que l’affinité professionnelle est souvent perçue comme un construit social arbitraire et impossible à prédire, trois grands principes permettraient d’expliquer pourquoi il est plus facile de travailler et de s’affilier avec certaines personnes : la proximité spatiale réelle entre les deux individus, leur niveau d’attractivité physique et enfin leurs similarités psychologiques, en termes de personnalité, attitudes ou style cognitif. Parmi ces prédicteurs, le dernier cité (les similarités psychologiques) est celui qui apparaît avoir le plus d’impact et qui suscite le plus d’intérêt en contexte professionnel, notamment en raison de son caractère non discriminant. Donn Byrne explique, par exemple, qu’un individu jugera un étranger comme plus attirant, appréciable, intelligent et moral, si celui-ci a des attitudes similaires aux siennes : la ressemblance conduirait ainsi à l’attraction, et la différence à la répulsion. De même, le psychologue américain Théodore Newcomb démontre que naturellement les individus vont s’affilier avec d’autres qui leur ressemblent. La similarité serait ainsi un réel aimant social assurant la création et le maintien des relations interpersonnelles : elle permettrait une sorte de récompense pour celui qui cherche à valider ses attitudes.

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Pourtant, même si certaines recherches suggèrent que la similarité est le principal prédicteur de l’affinité, il s’agit d’une conception fortement réductrice de la complexité des relations humaines, notamment en contexte professionnel. Joseph Rychlak et Will Schutz, professeurs de psychologie, sont les premiers à proposer un besoin de complémentarité pour l’affinité et l’attraction interpersonnelle : les individus ne préféreraient pas travailler avec d’autres similaires, mais plutôt avec des personnes qui complètent leurs propres manques. Cette conception est confirmée par les travaux de Theresa Glomb et Elizabeth Welsh, de l’université du Minnesota, qui expliquent que les individus avec une personnalité ascendante, vont naturellement rechercher un partenaire moins dominant – et inversement. De même, Ronen Cuperman et William Ickes, professeurs au sein de l’université du Texas, montrent que les duos composés de d’individus ayant des traits similaires « d’agréabilité » (sur les dimensions du modèle de personnalité du Big Five), c’est-à-dire qui ont tous deux une forte attirance vers la coopération et l’harmonie sociale, tendent à avoir des interactions initiales pauvres et peu plaisantes.

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Intelligence artificielle et affinité

Entre similarité et complémentarité, la prédiction de l’affinité interpersonnelle apparaît complexe. Sans nécessairement les opposer, c’est sans doute le juste équilibre entre ces deux visions qui permettraient d’expliquer l’affinité le plus finement possible. Par exemple, dans l’évolution des mariages, alors que la similarité entre deux partenaires permettrait d’initier la relation, son importance dans le maintien de cette relation semble décroître au cours du temps : Michelle Shiota et Robert Levenson, des universités de l’Etat d’Arizona et de Berkeley, concluent dans le même sens que plus la similarité entre les personnalités des conjoints est forte, plus leur satisfaction au fil du temps aura tendance à diminuer. Finalement, dans la vie courante ou dans un cadre professionnel, les duos où l’affinité est la plus forte seraient ceux qui partagent une certaine communauté ou convergence (notamment en termes de valeurs, de motivations et d’attente de l’expérience de collaboration), tout en ayant des personnalités complémentaires (sur certains traits) : les individus seraient ainsi attirés par la différence, dans l’unique éventualité où ils perçoivent celle-ci comme complémentaire de leurs qualités.

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La quantité de données à traiter sur les personnalités et les motivations de deux candidats (ou d’un candidat avec son futur manager) afin de prédire leur affinité professionnelle, reste toutefois importante, et dépasse, de loin, les limites physiologiques et de coordination du cerveau humain. Anticiper la capacité de deux personnes à travailler ensemble n’est donc pas une tâche pouvant être résolue par la simple intuition, ou expérience, d’un recruteur : seule l’intelligence artificielle et la puissance d’algorithmes prédictifs, capables de traiter ce volume de données, sont actuellement en mesure de résoudre l’équation de l’affinité humaine.

Pour recruter des collaborateurs efficaces et engagés, il n’est aujourd’hui plus possible de miser uniquement sur leur capacité à réussir dans le poste. Chacun passant presque 85% de son temps de travail à collaborer, il est urgent de considérer, lors d’un recrutement, le potentiel d’affinité du candidat avec les autres. La nature multi-factorielle de l’affinité invite toutefois les professionnels des ressources humaines et les managers, à s’approprier l’intelligence artificielle : celle-ci les aidera à traiter une complexité inaccessible à l’être humain et à prendre de meilleures décisions.

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